C'est une voie d'avenir pour améliorer l'empreinte carbone du BTP. Depuis cinq ans, Bobi Réemploi, bureau d'études spécialisé, aide les entreprises à donner une seconde vie aux matériaux. Sophie Lambert, fondatrice de Bobi Réemploi, livre son regard sur cette filière en développement.
"Il ne faut pas confondre le réemploi avec le recyclage"
Quelle est l’activité de Bobi Réemploi ?
Nous sommes un bureau d’études de sept collaborateurs spécialisé dans le réemploi des matériaux de construction. Il ne faut pas confondre le réemploi avec le recyclage, qui consiste à transformer de la matière avec des procédés industriels. Nous produisons des études pour faciliter la démarche de réemploi. Nous travaillons sur deux axes : la démolition/réhabilitation et les projets de construction.
En amont de la déconstruction, nous réalisons des diagnostics PEMD (Produits équipements matériaux déchets), une obligation légale sur les opérations de démolition et de rénovation significatives. Il s’agit d’identifier et de qualifier les déchets que l’on peut réemployer. Nous constituons ainsi une base de travail pour déterminer le potentiel de réemploi du bâtiment et trouver les filières de réemploi. Nous écrivons également le cahier des charges pour l’entreprise de déconstruction, afin qu’elle puisse réaliser une dépose soignée avant la déconstruction. Nous l’accompagnons et réalisons un bilan au terme de l’opération pour calculer la qualité et le poids des matériaux récupérés.
Nous travaillons également sur les projets de construction pour intégrer les matériaux de réemploi aux projets neufs. Nous accompagnons architectes, bureaux d’études et maîtres d’ouvrage afin de savoir quels matériaux utiliser, où trouver ces matériaux, etc. Pour ce faire, nous disposons d’un réseau. Sur Lyon, nous travaillons notamment avec Minéka. Nous établissons la procédure de réemploi. Par exemple, nous définissons qui achète ces matériaux : l’entreprise de travaux ou le maître d’ouvrage ?

Comment est né Bobi Réemploi ?
J’ai créé Bobi Réemploi à Lyon il y a cinq ans. Auparavant, j’étais conductrice de travaux chez Eiffage construction. J’ai pu voir tout le gaspillage dans ce secteur. Mais j’ai également constaté que, sur les projets de réhabilitation de monuments historiques, le réemploi est très utilisé. Alors pourquoi pas dans l’ensemble du secteur du bâtiment, sur des matériaux moins nobles ?
Quels sont vos clients aujourd’hui ?
Les acheteurs publics, qui ont un devoir d’exemplarité, représentent 60 % de notre clientèle. La part des entreprises privées augmente. Nous avons par exemple réalisé, avec Minéka, le diagnostic PEMD pour la démolition de la tour M+M, à la Part-Dieu. Un projet porté par DCB International.
En quoi le réemploi permet-il de réduire l’empreinte carbone du secteur du bâtiment ?
Le réemploi permet d’éviter les émissions de CO2 engendrées par la fabrication de matériaux. Ce procédé permet également d’éviter l’utilisation d’énergie pour la mise en décharge (transport, etc.). De plus, la RE 2020, qui prend désormais en compte l’analyse du cycle de vie d’un bâtiment pour calculer l’empreinte carbone, favorise le réemploi, ce qui va booster cette pratique.
Si l’intérêt du réemploi est évident au niveau écologique, est-il rentable économiquement ?
Le réemploi ne revient pas moins cher que le neuf. Si les matériaux ne coûtent rien, le coût se déplace sur la main d'œuvre. Et les matériaux neufs ne sont pas assez chers. Mais leurs prix augmentent et les process de réemploi, qui ne sont pas encore optimisés, vont s’améliorer. Les filières, encore artisanales, se développent. La tendance devrait donc s’inverser et le réemploi, devenir rentable. Aujourd’hui, on essaie de réaliser des opérations neutres.
Quels sont, aujourd’hui, les matériaux que l’on peut réemployer le plus facilement ?
Les matériaux les plus faciles à réutiliser sont ceux pour lesquels il y a le moins d’exigences techniques, c’est-à-dire ceux employés pour l’aménagement intérieur (sol, plafond), le mobilier urbain, les matériaux des espaces verts… On peut par exemple réaliser un pavage à partir d'éléments béton. Le bois est également un matériau toujours facile à retravailler.