Comment est née cette idée de partenariat entre l'École centrale de Lyon et la CMA du Rhône ?
Le côté manuel du métier d'ingénieur était au cœur de la formation jusque dans les années 1980. Les élèves passaient du temps autour des machines et mettaient la main à la pâte. Notre école est très attachée à cet aspect "travaux pratiques". Nous ne voulons pas former des ingénieurs numériques centrés sur le virtuel. La main est la prolongation du cerveau. J'ai aussi beaucoup d'admiration pour les métiers de l'artisanat, synonymes de savoir-faire et de sens. L'École centrale de Lyon a donc voulu proposer à ses étudiants l'opportunité d'effectuer une formation complémentaire à leur cursus ingénieur, en fonction des attentes et des désirs de chacun. Certains voudront simplement acquérir des compétences avec une formation courte et un stage, d'autres s'engageront dans une démarche diplômante en passant un CAP. Cette démarche s'inscrit dans le développement de la formation de l'ingénieur augmenté, qui vise à proposer, au-delà du socle d'ingénieur généraliste, un choix étoffé de « mineures », comme c'est déjà le cas avec le CHEL'[s], le Collège des hautes études Lyon Science[s], ou avec « Talents croisés » avec l'Institut Paul Bocuse.
Quelle a été la réaction de vos élèves-ingénieurs ?
Quelque 80 étudiants étaient à la réunion de présentation du partenariat et une dizaine d'élèves ont déjà manifesté leur intérêt autour d'un projet artisanal à exprimer, dans l'ébénisterie, la charpente, les métiers du BTP… Ils sont motivés par la satisfaction d'acquérir un savoir-faire palpable, d'être en mesure de concevoir quelque chose, de matérialiser un projet. Cela permet d'être dans le concret et de donner du sens. Nos étudiants entrent à l'École centrale après deux années de prépa intense. Ils veulent être moins dans des amphithéâtres à écouter des cours et plus dans des travaux pratiques et des projets à mener. Notre objectif est de former des ingénieurs qui descendent dans les ateliers et non des ingénieurs derrière leur ordinateur. Nous observons d'ailleurs un changement : il y a quelques années, 80 % des ingénieurs étaient recrutés dans des grands groupes ; aujourd'hui, la moitié rejoint des PME et des start-ups.
Et qu'est-ce que vous avez à apporter aux artisans ?
Je tiens vraiment à un partenariat gagnant-gagnant. Nous travaillons donc à mettre en place des collaborations entre l'école et les entreprises artisanales. Nous pouvons apporter notre formation technique et scientifique pour développer l'innovation, mais aussi mettre à disposition nos outils comme le FabLab, le MakerLab, le centre de ressources… Nous voulons vraiment accroître les échanges entre les deux mondes. Nos élèves apprennent à partir de projets de commanditaire, ils pourraient donc plancher sur des problématiques d'entreprises artisanales. Sur la phase de maquettage-prototypage, nous pourrions par exemple être force de propositions dans le design thinking.