Quelles sont les tendances actuelles en matière de performance énergétique dans la conception de bâtiments pour les entreprises ?
Jean-Philippe Charon, président du Syndicat des architectes Rhône-Métropole : On a conçu depuis quelques années des bâtiments tellement bien isolés, un peu "thermos", que l’on a parfois oublié le confort intérieur. On avait du mal à évacuer la chaleur latente. C’est pourquoi il a fallu faire évoluer la règlementation (RT 2012). On a un peu corrigé le tir, avec de bonnes ventilations notamment. Avec la nouvelle règlementation RE2020, il y a des projets où l’on interdit la climatisation, y compris dans le nord de la France, alors que ces régions en auront malheureusement besoin dans quelques années, avec le réchauffement climatique. Alors on remplace avec des brasseurs d’air. Mais ventiler des bâtiments, c’est énergivore également, et les installations techniques prennent beaucoup d’espace et de volume. Il faut sans cesse rechercher le compromis entre les objectifs énergétiques et le confort des usagers.
L’isolation reste-t-elle le principal moyen d’accéder à l’efficacité énergétique ?
La performance énergétique par l’isolation, c’est la première recherche dans la conception d’un bâtiment. Elle doit se faire en même temps que le confort des usagers. La surchauffe en été est devenue la principale préoccupation. Pour faire baisser la température sans climatisation à l’ancienne, le déphasage du rafraîchissement devient la solution. On laisse entrer la fraîcheur de la nuit au maximum dans les bâtiments, et on referme en journée, pour que les bâtiments tiennent le plus longtemps possible, tout en jouant sur des protections solaires orientables. En milieu urbain, comme à Lyon, les réseaux de froid urbains qui se développent sont très intéressants, économes, et écologiques.
"Les tours ont permis un renouvellement de la ville"
Et l’hiver ?
L’hiver, on met très peu en chauffe les bâtiments dans nos régions du sud-est, et l’on retarde de plus en plus dans la saison chaque année. Les modes de chauffage les plus économes et écologiques sont les réseaux de chauffe urbain, la géothermie, qu’elle soit via la nappe phréatique ou par air.
Les grandes ouvertures vitrées sont-elles toujours de mise ?
Ces ouvertures doivent être impérativement équipées de triple vitrage et stores intégrés, ou de BSO (brise soleil orientables). C’est encore un compromis entre le désir de lumière dans les bâtiments et le besoin de se protéger de la chaleur.
Quid des immeubles de grandes hauteurs, comme à Lyon, face à l’efficacité énergétique ?
Les tours sont énergivores, c’est indéniable, mais elles sont économes en espace, c’est évident. Lorsqu’il est nécessaire de densifier les villes, de limiter les déplacements horizontaux, surtout en voiture, les immeubles de bureaux de grande hauteur peuvent être une solution pour rassembler un grand nombre de salariés au même endroit. A Lyon, un certain nombre de tours se sont développées ces dernières années. Elles ont permis un renouvellement de la ville sur elle-même et même un renouvellement d’une tour sur elle-même, avec l’exemple de la tour RTE. Presque tous les bâtiments du patrimoine immobilier du XXe siècle peuvent être réemployés.
Avec les contraintes environnementales et énergétiques, est-ce que l’architecte peut encore laisser libre court à sa créativité ?
Notre métier consiste à tourner autour de toutes les contraintes. On est formé à cela, tous les architectes parviennent à développer leur créativité dans la règlementation. Aujourd’hui, cela nous oblige à travailler beaucoup plus en amont qu’avant. On réalise beaucoup plus d’études avant le dépôt de permis. Nos maîtres d’ouvrage n’ont pas toujours conscience de cela et les honoraires des architectes ne suivent pas toujours. Notre syndicat d’architectes est là pour le rappeler.